L'USAP à 166%, a eu la chance, la semaine dernière, de s'entretenir avec Damien Dussault.
Son nom vous dit sans doute, pas grand chose. Sa profession ? Agent de joueur depuis 2010.
Qu'est ce qu'un agent de joueur, comment le devenir, comment sont-ils rémunérés, combien de temps peuvent durer des négociations, comment ce déroulent une journée d'agent... Damien Dussault nous explique tout, sur son métiers.
Bonjour Damien Dussault. Pouvez-vous nous décrire votre parcours avant de devenir agent de joueur ?
J’ai
grandi en Bourgogne avant de partir à Paris faire mes études de
journalisme post-bac. J’ai ensuite travaillé pour différents médias dont
le quotidien national France Soir au Service des Sports mais aussi France Rugby et Rugby Hebdo.
Suite à des discussions avec des joueurs et des agents, j’ai constaté
que cette profession n’en était qu’à ses débuts, qu’elle était en pleine
évolution et que je pensais pouvoir m’épanouir dans un métier où
l’objectif est d’aider des joueurs à être meilleurs tout en aidant les
clubs à avoir le meilleur effectif possible.
Depuis combien de temps êtes vous agent de joueur ? Et comment êtes-vous devenu agent ?
J’ai
obtenu ma licence en 2010 après avoir longuement travaillé le droit.
J’ai d’abord collaboré cinq mois avec une agence existante mais ça ne
collait pas à ma vision de ce métier. Quand tu n’aimes pas quelque
chose, tu dois le changer et j’ai donc créé ma propre agence. Selon moi,
un agent n’est pas juste là pour signer des contrat. Il doit faire
équipe avec le joueur, être là pour le conseiller objectivement, avoir
des idées et une stratégie pour son développement de carrière,
identifier la bonne opportunité au bon moment par sa connaissance des
clubs, amener le joueur à s’épanouir sur et en dehors du terrain. Le
rôle d’un agent n’est pas simplement de négocier le meilleur salaire
possible. Il est plus vaste que cela. C’est pour tout cela que je suis
devenu agent.
Comment se déroulent vos journées ?
Je
passe énormément de temps en déplacement ou au téléphone. Rencontrer et
parler en permanence aux joueurs et aux clubs est la base même de notre
métier. J’essaye aussi de coordonner le travail de notre équipe entre
les différents pays où nous sommes présents, pour offrir plus
d’opportunités à nos joueurs et plus d’options aux présidents de clubs.
Enfin, le reste de mon temps est consacré à regarder des matchs, pour
voir comment se débrouillent nos joueurs et repérer d’autres joueurs
avec qui nous aimerions travailler. Je travaille entre 10 et 14 heures
par jour, quasiment 7 jours sur 7, mais je suis loin d’être une
exception chez Digidust Sport.
Comment repérez vous, les joueurs sans agent ?
On
ne cherche pas les joueurs sans agents, on cherche les joueurs à qui
nous allons apporter quelque chose. Digidust Sport n’est pas structurée
pour prendre soin correctement de la carrière de centaines de joueurs.
Nous nous limitons volontairement. Quand nous contactons un joueur, nous
en avons d’abord parlé longuement en interne, ce n’est jamais par
hasard. Ceci dit, ce sont le plus souvent les joueurs qui viennent vers
nous parce qu’ils voient le travail que nous faisons pour d’autres
joueurs et que cela correspond à ce qu’ils attendent de leurs agents.
Votre profession fait l'objet d'une surveillance particulière ?
Oui,
bien sûr. Elle est règlementée et c’est très bien ainsi. Nous devons
suivre un certain nombre de règles qui régissent notre profession, que
ce soit pour notre coeur de métier ou sur des sujets périphériques comme
l’interdiction de prendre part à des paris sportifs.
Les agents, font-ils, les carrières des joueurs ?
Etre
rugbyman professionnel est devenu terriblement exigeant, sur le plan
humain, sportif, diététique, mais aussi marketing, financier, sur la
relation commerciale avec les clubs… Il est impossible pour un joueur
d’être excellent partout. Il est devenu une entreprise à part entière.
Nous sommes là pour faire les meilleurs choix avec les joueurs, les
décharger des aspects business ou marketing, les pousser parfois à se
remettre en question quand ils s’installent dans leur zone de confort et
établir avec eux des stratégies de carrière. En gros, nous allons faire
ce qu’il faut pour qu’ils se concentrent d’abord sur leur rugby et leur
club, et gérer le reste avec eux. Ce sont toujours les joueurs qui font
leur carrière, et nous les aidons à ce qu’elle soit la meilleure
possible.
Lorsqu'un
de vos joueurs vient vous voir et qu'il vous demande de vous renseigner
pour changer de club, comment vous vous y prenez ?
Nous
faisons d’abord le point avec le joueur pour savoir ce qui l’amène à
prendre cette décision. Il y a toujours une ou plusieurs raisons. Puis,
nous ciblons avec lui quelques clubs, en France et en Europe, dans
lesquels nous pensons qu’il pourra se sentir mieux, et qui sont aussi à
la recherche d’un profil comme le sien. Le fait que Digidust Sport soit
dans plusieurs pays nous aide à avoir davantage d’options car nous
sommes proches de beaucoup plus de clubs. Une fois que nous sommes en
phase avec le joueur sur la stratégie à adopter et les clubs que nous
souhaitons cibler, nous contactons les présidents, les coachs ou les
chargés de recrutement en fonction de la manière dont le club est
organisé.
Combien de temps peuvent durer des négociations ?
Nous
connaissons bien les besoins des clubs et leur attentes, et évidemment
nous connaissons parfaitement les joueurs également. Dans une
négociation, l’argent est un facteur essentiel mais il est loin d’être
le seul. La durée du contrat, les conditions de vie et d’entraînement,
l’extra-sportif notamment pour que les femmes de joueurs et leurs
enfants s’acclimatent bien, le temps de jeu potentiel… Certains clubs
l’ont bien compris et apportent rapidement des réponses sur tous les
tableaux. Pour d’autres, ça peut être plus long. De toutes façons, nous
ne finalisons pas tant que toutes les conditions ne sont pas réunies
pour que le joueur se sente bien et donc soit dans une situation où il
pourra donner le meilleur de lui-même sur le terrain, car sinon nous
créerions les conditions d’un futur échec pour le club et le rugbyman.
Cela peut donc prendre 24h comme 24 mois.
Comment est rémunéré un agent ?
Un
agent est rémunéré selon un pourcentage dégressif calculé sur le
salaire brut du joueur. On peut être rémunéré jusqu’à 10 % sur le
montant compris entre 0 et 49 999 euros, 8 % de 50 000 à 149 999 euros, 6
% entre 150 000 euros et 249 999 euros et 4% au-dessus de 250 000
euros. Ces différentes sommes s’ajoutent les unes aux autres et
représentent le montant de la commission.
Pouvez-vous nous dévoiler quelques noms de joueurs dont vous représentez les intérêts ? À l'USAP peut-être ?
Vous en trouverez plusieurs sur notre site Web digidustsport.com.
A l’USAP, nous travaillons par exemple avec Joe Carlisle, qui est le
parfait exemple de l’intérêt d’avoir une agence dans plusieurs pays.
Nous travaillons aussi avec Alan Brazo.
Vous avez une licence en France et en Angleterre.
Quel regard portez-vous sur l'état des clubs français, par rapport aux clubs Anglais ?
L’organisation
des clubs en France est très disparate, ce qui est moins le cas en
Angleterre. La relation avec les clubs est également très différente.
Les anglo-saxons se livrent facilement sur leurs besoins, leurs forces
et leurs faiblesses là où en France il va y avoir plus de pudeur ou une
sorte de volonté de ne pas aborder certains sujets. Les clubs anglais
nous considèrent par défaut comme des partenaires pour bâtir leur
effectif. En France, il n’y a qu’une poignée de clubs avec lesquels nous
avons une telle relation, et comme par hasard, ce sont ceux avec
lesquels nous travaillons le mieux. L’un de mes objectifs personnel
cette année est d’en convaincre d’autres que nous pouvons les aider
vraiment tout en préservant en même temps les intérêts des joueurs,
comme c’est plus le cas en Grande Bretagne.
Une anecdote de transfert ?
La
rupture de contrat de Gary Botha avec le Stade Toulousain. Un moment
dur et fort à vivre pour un joueur qui savait qu’il ne rejouerait
probablement pas. Nous sommes restés plusieurs heures dans le bureau du
président Bouscatel pour régler des détails contractuels et, alors que
tout était signé, nous sommes montés dans la voiture, l’émotion était
immense. Gary a appelé sa famille pour leur annoncer « Voilà, c’est
fini… ». J’en ai pleuré avec lui. C’était intense, triste et beau à la
fois. Digidust Sport est une agence à taille humaine, donc nous nouons
généralement des relations d'amitié très fortes avec les joueurs. Gary
est un garçon formidable, et être ensemble pour un jour aussi important
dans sa vie d’homme te marque au fer rouge. Nous continuons à nous voir
très régulièrement, quand je vais en Afrique du Sud.